Ce matin-là c'était de la merde. Tu te levais avec un gros nuage au dessus de ta tête. Gueule de bois, nausée, fièvre, chiasse, appelles ça comme tu veux mais en terme de bonne humeur, tu avais déjà fait mieux. Les voyages, tu avais toujours détesté ça. Et là, ça t'avait achevé. Tu ressemblais à une vieille chaussette mal lavée ou alors à une aubergine parasitée depuis trois semaines. Cela faisait huit jours que le voyage durait. Tu sentais que tu allais mourir.
Ce huitième jour de bénédiction foireuse, tu as pensé au chiffre
huit. En fait, ça n'avait rien de très lucide mais ce chiffre ne t'inspirait rien. Huit, eight, acht ou même otto, ça voulait juste désigner quelque chose de très austère. HUIT, c'est l'infini. EIGHT, c'est le néant. ACHT, c'est le noeud de l'univers. OTTO, c'est l'interminable. Quelque soit la langue utilisée, tu te disais, dans ton mal inconscient, que ce chiffre 8 était juste un chiffre... à chier. Ce chiffre-là te faisait déprimer parce que tu réalisais que ce voyage était trèèèèèèèèèèès long.
Tu souhaitais alors trouver du réconfort dans la cafétéria parce que la caféine ça aide à aller mieux. Le café c'est de la drogue, hein, tout le monde le sait. Tu te persuadais que tu devais juste être très mal réveillé et que ta gueule de bois, nausée, fièvre ou chiasse passerait après un bon café. Mais seulement après un
bon café, nous sommes d'accord.
Sauf que... le sucre manquait sur le Shinguru 2000 et du café sans sucre, c'était INFÂME. Mais tu en avais besoin de ce café à deux balles. Tu en avais vraiment besoin. Si tu n'avais pas ton café, tu allais devenir névrosé et comme complètement pété à la téquila. Alors, tu n'as rien fait. Tu as bu ton café sans sucres parce que ça faisait viril ou quelque chose d'inutile comme ça. Tu t'étais bourré le crâne avec cette idée pour te convaincre de boire ce café. Tu t'étais retourné afin que le barman ne voit pas ta bouche, ni personne d'autre même. Et lorsque la substance a pénétré ton palais puis frotté tes papilles, tu as compris l'erreur que tu venais de commettre.
Cette erreur était grave car il s'agissait d'un délit puisque le suicide est un crime. Tu ne laissais rien paraître sur ton visage mais dans ta tête c'était le carnage et ta gorge hurlait au contact de l'infecticide. Tes pensées, en mode spam, étaient submergées par l'envie de la gerbe.
* EERK. C'est amer, c'est dégueulasse, c'est amer, c'est infâme, c'est infecte, c'est dégeu, j'vais vomir. *
Tu n'en pouvais plus et tu te forçais à avaler cette horreur de dégueulantisme. Tu n'aimais pas le gaspillage car si tes mamans auraient su que tu gâchais du café, elles t'auraient dilapidé. La seconde gorgée de ce liquide infâme te répugnait et tu n'avais qu'une seule envie, le balancer à la gueule du barman. Seulement... tu n'avais pas d'autre choix que de finir ce café moisi. Tu repris une gorgée et le carnage recommença de nouveau, en mode spam.
* C'est amer, c'est amer, c'est dégueulasse, c'est infâme, c'est infecte, c'est dégeu, j'vais vomir, il me faut du sucre. *
Finalement, tu parvins au bout de la torture. Ta tasse était vide et il te fallut huit gorgées pour en venir à bout. Huit, eight, acht et otto. Toujours ce maudit chiffre de merde qui te suivait partout depuis le matin. Et, pour être franc, boire ce café sans sucres n'avait fait que te rendre encore plus amoché qu'avant de le boire. Tu te sentais encore bien plus mal. Mais la bonne nouvelle: Maryoku en vue. Il était huit heures du matin et huit minutes à ce moment-là.
†
Une fois arrivé au pensionnat, tu te sentais libéré et beaucoup moins malade. Ta gueule de bois, nausée, fièvre ou chiasse ne te faisait plus autant la mal que sur le Shinguru 2000. Qui sait, tu étais peut-être juste dans une phase de mal de transport. Quoiqu'il en soit, tu étais arrivé dans ton nouveau chez-toi -ou presque-. Là, au beau milieu du Hall d'entrée, tu décidais de consulter ton agenda, juste pour savoir quel jour c'était.
Il s'avéra que le jour de ton arrivée était un jeudi 08. Un jeudi HUIT. Tu jetas brièvement quelques regards autour de toi et tu remarquas qu'il y avait sept personnes, toi compris, ça faisait huit. Et alors, ... tu te demandais si tu n'étais pas juste en train de devenir parano. Et à cet instant, il ne t'aurait suffit que d'un seul élément pour te faire croire que tu étais suivi par la
paranormal activity de l'infini néant. Comme par exemple, le numéro de ta chambre. Sauf que, non. Non, ça n'avait pas été le cas. Ta chambre était la numéro six, pas la huit. Ouf.
Ainsi débarrassé de ta paranoïa, tu as déjà oublié tout ce que je viens de te raconter.