Tout ceci te paraîtra tellement solitaire.

It would be so lonely

Elle n'y pensait pas vraiment. Elle n'y avait jamais vraiment songé. Rosalie était à bord du Shinguru 2000 et elle était assise à côté d'une jeune fille. La plupart des passagers devaient être des adolescents, comme elle. Rosalie n'avait pas compté les jours et elle ne savait plus depuis combien de temps elle était partie. Elle n'était pas triste mais plutôt dans la lune, noyée dans ses pensées. Elle réfléchissait, regardait dans le néant et ne semblait s'intéresser à rien. Mais en réalité, ce à quoi elle pensait n'avait pas la moindre importance, ni le moindre sens. Sa tête était vide et Rosalie était lasse. Puis, elle se demanda si le plaisir d'admirer l'océan limpide vaudrait la peine de se lever. Elle jeta un oeil autour d'elle et constatait que (presque) tout le monde faisait la tête. Et étrangement, ce constat lui fit esquisser un sourire amusé. Elle trouvait ça drôle de voir des bouilles renfermées et pour ne rien arranger, sa voisine était toute mignonne. Mademoiselle Rosalie pensait alors qu'elle pourrait peut-être essayer de détendre un peu l'atmosphère et, pourquoi pas au passage, conquérir une jolie demoiselle. Le plus naturellement du monde, Rosalie passa sa main sur les cheveux blonds de sa voisine.
▬ Oh, je te prie de m'excuser, tu avais une bestiole dans tes cheveux!
▬ Ah! Euh... me... merci beaucoup...
Elle était probablement assez timide et Rosalie trouvait ça vraiment trop chou. Elle se disait qu'elle avait eu de la chance de tomber sur une petite coccinelle comme ça.
▬ Je m'appelle Rosalie. Et toi, tu veux bien me dire comment tu t'appelles? dit-elle d'une voix tendre et avec un sourire doux.
▬ ... je m'appelle Anne-Christelle.
▬ C'est un très joli prénom! Et bien, enchantée Anne-Christelle!
▬ Enchantée de même, Rosalie!
Rosalie était contente que cette Anne-Christelle ait bien voulu papoter avec elle. De ce fait, les dialogues s'enchaînèrent facilement. Rosalie lui demanda d'où elle venait et elle apprit que celle-ci venait de France, ayant quitté sa famille pour Maryoku afin d'échapper à la guerre. Cependant, elle expliqua à Rosalie qu'elle avait fait ce choix d'elle même et qu'elle souhaitait poursuivre ses études sans avoir à se soucier de l'actualité du monde ou à s'inquiéter de la guerre. Elle avait donc décidé ça toute seule et avait insisté pour embarquer sur le Shinguru 2000. Rosalie la trouva adorable.
▬ Je te trouve vraiment très courageuse.
▬ Ah oui? Merci! Mais tu sais... j'ai beau dire tout ça, c'était plus un caprice qu'autre chose! Et je dois avouer que... je vais me sentir un peu seule à Maryoku. J'ai toujours vécue entourée de ma famille alors... ça va être dur.
▬ En effet... on connait personne quand on vient ici, en général. C'est comme si on venait d'atterrir dans un monde à part.
Rosalie fut touchée par ce qu'elle venait de dire parce que c'était presque la même chose pour elle. Elle n'avait pas réalisé qu'elle serait désormais seule.
Le Shinguru 2000 était sur le point d'accoster sur l'île et à l'horizon, on apercevait Maryoku. La plupart des gens étaient en émoi et beaucoup s'étaient rendus sur le pont afin d'admirer la vue. Anne-Christelle voulait s'y rendre également.
▬ Tu viens Rosalie? Maryoku n'est pas loin, on arrive bientôt! Je vais en profiter pour aller chercher mes valises!
Cependant, Rosalie n'avait pas le coeur à y aller.
▬ Non, désolée. J'ai envie de rester ici encore un peu.
▬ Ah... comme tu veux. En tout cas, ce fut un plaisir de discuter avec toi Rosalie! J'espère qu'on pourra se revoir sur l'île!
▬ Oh, mais j'y compte bien! ♥
Rosalie se leva, prit Anne-Christelle dans ses bras et l'embrassa sur la joie, ce qui eut le don de faire virer celle-ci dans le rouge tomate. Puis, la jeune fille s'éloigna et Rosalie lui faisait signe de la main pour dire au revoir. Ensuite, elle s'approcha de la fenêtre qui tenait sur la mer et se laissa tomber sur les bords, de nouveau perdue dans ses pensées. Elle avait encore l'esprit dans les paroles d'Anne-Christelle.
▬ Maryoku, hein...
Elle prit un air triste, amer et ferma les yeux.
▬ C'est vrai que... ce sera un peu triste et... solitaire.
Ce mot raisonna longtemps dans sa tête et la résonance fut creuse, voire même dure.

♥

Une fois arrivée sur l'île et après s'être rendue au pensionnat, Rosalie était assez impressionnée par les bâtiments et l'envergure qu'ils avaient. En ce temps de guerre, elle n'aurait même pas osé imaginer qu'un si beau pensionnat pouvait encore exister et fonctionner (à priori) normalement. Elle était contente d'être ici même si elle redoutait le goût amer de la solitude des premiers jours.
Elle espérait que ses colocataires soient sympathiques, mignons et qu'elle puisse éventuellement s'y faire de bons amis de départ. Elle n'avait aucune envie de tomber sur des gens trop odieux. Car Rosalie savait que sur cette île on pouvait trouver de tout et que chaque élève pouvait bien avoir vécu des horreurs de guerre qu'elle ne s'imaginerait même pas. Elle avait ses valises en main et lorsqu'elle entra dans le Hall, elle s'arrêta un moment. Elle n'ignorait pas que sa nouvelle vie allait commencer ici-même. Elle n'ignorait pas qu'une fois installée, elle allait retrouver le calme et un quotidien isolé du monde extérieur. Elle ne pensait plus à ses frères, ni à ses parents, ni même personne. Elle regardait autour d'elle et ne voyait que des visages méconnus. Et au fond de son coeur, une petite voix résonnait encore.
* C'est donc ça la solitude, hein. *
Cependant, Rosalie ne désespérait pas et elle reprit sa route d'une marche sûre. Si elle était venue ici, ça n'était pas pour déprimer. Il n'y avait aucune raison. Cela aurait été totalement injustifié. Rosalie, d'abord consciente que sa mélancolie mettrait du temps à disparaître, se rendit dans sa chambre le coeur léger et le sourire aux lèvres.

» Ceci ou cela ?
» Nouvelle Chambre / Nouvelle Vie !
» Rosalie Scarlance, tout simplement.